Vous les avez vus, tous, l’air grave et résolu d’un général d’État Major qui envoi ses troupes au casse pipe bien à l’abri son bunker anti-atomique ? Avec le 49-3, ça va saigner, nom d’un député, il va y avoir du sang et des larmes. Des têtes vont tomber.

Et si on arrêtait cette comédie ? Tout le monde sait bien qu’il n’y aura pas de censure, que la loi el Khomry va passer, d’autant plus facilement qu’elle ne change rien à rien, et surtout pas aux sacro-saints droits acquis des vampires qui vident de leur sang les contribuables (j’exagère à peine : je viens de terminer ma déclaration d’impôts, je sais de quoi je parle).

Installez-vous comme vous pouvez sur votre mauvaise chaise au paradis, et applaudissez aux pantomimes des acteurs de la comédie du pouvoir : le premier ministre qui, après la dernière reculade de son leader maximo sur la déchéance de nationalité, en a marre de se faire sodomiser à sec, tient absolument à faire passer au moins une loi qui ressemble à quelque chose - même s’il n’y a rien dedans, c’est toute l’illusion qui lui reste. Il discute, arrange en catimini, promet des petites faveurs, baisse autant qu’il peut le pantalon, rien n’y fait, les vilains députés de « sa » majorité, plutôt conciliants en privé, mais coincés par leurs rodomontades en public, continuent à menacer d’une révolte sanglante devant des forêts de micros et de caméras.

C’est l’impasse démocratique, tout est perdu, on court à la catastrophe, Marine dans un fauteuil, la fin de la démocratie (hi ! hi ! hi !). Heureusement, merci la 5ème république qui a tout prévu, même l’imprévisible (c’est pour cela que vous ne devez pas croire ceux qui prêchent pour une 6ème république, celle-là leur va comme un gant), et en particulier l’article 49-3 qui permet de sortir la tête haute (et le derrière sale, mais ça ne se voit pas) de ce genre de situation où il y a plus à perdre qu’à gagner !

Hé oui ! S’il n’y avait pas le 49-3, Manolo n’aurait plus qu’à manger son chapeau, soit en retirant la loi el Khomri, soit en la présentant et en se la faisant remballer, le toro privé des oreilles et de la queue !

Sauf que ça n’aurait pas arrangé non plus les affaires de ses intraitables frondeurs. Parce que l’objectif de ces matamores de pacotille (quand on pense qu’ils n’ont réussi à trouver comme porte-parole que cet ectoplasme nommé Christian Paul, c’est dire) n’est pas que la loi ne passe pas –ils n’iraient pas jusqu’à risquer leur job de député dans une dissolution ; même s’il ne leur reste qu’un an, c’est toujours ça de pris-, mais que leurs électeurs les plus teigneux soient convaincus qu’ils ont fait le job pour s’opposer aux sociaux-traitres.

Tandis qu’avec le 49-3, les amis, c’est gagnant-gagnant : pour empêcher la loi présentée sous cet article de passer, il faut qu’une majorité absolue vote la censure du gouvernement, ce qui reviendrait pour les frondeurs à voter avec l’opposition réactionnaire et fascisante (beurk, beurk, beurk !). Ce serait une trahison abominable, Brutus assassinant César, l’obscurantisme égorgeant la lumière. Jamais un homme de gauche, même torturé par des spécialistes de l’armée française, ne se rendrait coupable d’une telle forfaiture... d’autant plus que pour ne pas voter pour (la censure), il suffit de ne rien faire, spécialité des frondeurs… vous me suivez ?

Et voilà comment les courageux défenseurs des travailleurs, dont il ne tenait qu’à eux d’empêcher la loi scélérate el Khomri de passer, pourront à l’avenir se glorifier au choix et selon la direction du vent de n’avoir été ni les acteurs du socialisme libéral ni les complices du libéralisme social.

De plus en plus pire, comme disait ma grand-mère !