François Bayrou a présenté le 15 juillet sous l’intitulé « Le moment de vérité » un plan dit de « réduction » des dépenses publiques de 43,8 milliards . À l’unisson ou presque, ce plan a été présenté comme une « cure d’austérité », un « traitement de choc » ou encore une « politique de rigueur ». Et pourtant, il doit être analysé comme ce qu’il est : un simple effet d’annonce , puisqu’il permettrait une hausse tous azimuts des impôts et… une augmentation des dépenses à hauteur de 30 milliards d’euros en 2026 !
L’objet du plan est de faire légèrement descendre le déficit budgétaire à 4,6 % du PIB en 2026, contre 5,8 % en 2024, avec une trajectoire à moins de 3 % – 2,8 % précisément, en 2029. Et cela dans un contexte périlleux pour notre pays puisque, après les fermes recommandations du Fonds monétaire international (FMI) fin mai dernier, la prochaine décision de l’agence de notation Fitch le 12 septembre sera scrutée…
Plus d’impôts, peu d’économies
Certes, François Bayrou a effectué un constat globalement lucide de la situation dramatique de notre pays. Il fait partie de ces rares hommes politiques à avoir poussé un cri d’alarme depuis des décennies au sujet de nos finances publiques. Mais, une fois encore, les réformes ne suivent pas.
Le gouvernement a mis en ligne une liste des grands postes d’« économies » opérées, chiffrage à l’appui : 7,1 milliards d’euros au titre de l’« année blanche » , autrement dit l’absence de revalorisation des barèmes et taux suivant l’inflation (prestations sociales, pensions de retraite incluses, impôt sur les revenus…) ; 5,5 milliards au titre de la modération des dépenses sociales ; 5,3 milliards au titre de la participation des collectivités locales ; 5,2 milliards au titre des opérateurs ; 4,8 milliards pour l’État ; 4,2 pour l’équité fiscale, etc.
Au total, les Français supporteront plus de hausses d’impôts et de charges (non-indexation du barème des impôts, nouvel ISF déguisé…) que l’État ne fera que trop peu d’économies sur ses propres dépenses. En témoigne la suppression de seulement 3 000 postes de fonctionnaires, soit 0,05 % de l’effectif total de 5,7 millions, alors qu’Emmanuel Macron a déjà régulièrement trahi ses promesses sur ce sujet !
Certes, le Premier ministre a raison de vouloir remettre au travail les Français qui, durant leur vie, travaillent en moyenne 100 heures de moins par an qu’un Allemand ou un Britannique, et 300 heures de moins qu’un Américain. Mais la suppression de deux jours fériés n’est qu’une pitrerie qui rappelle la suppression incertaine du lundi de Pentecôte.
Il faut s’attaquer aux 35 heures et à l’âge de départ à la retraite avec plus de détermination. De même que, à long terme, c’est en rendant les Français responsables de leurs assurances-maladie et de leur retraite comme de l’éducation de leurs enfants et de leur assurance chômage que l’on pourra réduire drastiquement les charges de l’État et redonner à tous ceux qui en sont capables la maîtrise de leur vie.
Coup de rabot
François Bayrou, qui avait rejeté sans détour la méthode de la « tronçonneuse », avait néanmoins évoqué l’urgence de faire face à « l’Himalaya » de la dette publique et la nécessité de remettre à plat les missions de l’État. Malheureusement, cette méthode aura sombré corps et biens le 15 juillet au profit de la vieille et piteuse méthode du « rabot ».
Au lieu de faire le débat entre les missions que l’État doit remplir et celles pour lesquelles il doit se retirer, on taille (en apparence du moins) plus ou moins indistinctement dans les dépenses, tout en conservant immaculé le domaine de l’interventionnisme étatique. L’échec est dès lors assuré.
Les oppositions de gauche et de droite réunies s’insurgent en considérant que la baisse des crédits budgétaires – on l’a compris, minime – affaiblira la demande et l’économie. Mais cette attitude toute néokeynésienne est fallacieuse. C’est au contraire en libérant les initiatives individuelles de trop de charges fiscales et de contraintes administratives que la croissance française retrouvera des couleurs.
Vers une hausse de la dette publique
Le plan Bayrou reste une manipulation comptable. Il ne s’agit pas de diminuer les dépenses publiques, a reconnu la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, sur France 2 le 15 juillet : nous sommes en présence, a-t-elle dit, d’un « budget de ralentissement des dépenses ». Plus précisément, le gouvernement « propose » aux Français que les dépenses n’augmentent que de 30 milliards au lieu de 60 ! Pour illustration, les dépenses sociales diminueraient de 5,5 milliards d’euros. Un chiffre très faible, qui ne correspond même pas à des « économies » puisque la trajectoire des dépenses supplémentaires à hauteur de 10 milliards d’euros serait simplement freinée. Résultat : une hausse des dépenses sociales de 4,5 milliards d’euros en 2026 !
Rappelons les chiffres des dépenses publiques avec les estimations à compter de cette année : 1 650 milliards d’euros en 2024, 1 693 milliards en 2025, 1 722 milliards (au lieu donc de 1 752) en 2026. La course folle des dépenses se poursuit ! En supposant même que le plan Bayrou soit adopté et appliqué, la dette publique passerait de 113,2 % du PIB en 2024 à 117,2 % en 2029. Quel exploit !
Le 16 juillet, Emmanuel Macron a déclaré que « si d’autres ont des idées plus intelligentes », alors François Bayrou « les recevra ». Chiche ! Au milieu de l’année 2024, l’Iref avait présenté de manière sérieuse et argumentée, exemples étrangers à l’appui, huit réformes urgentes pour économiser plus de 210 milliards d’euros, à commencer par la réforme des prestations sociales (retraite et assurance maladie) et celle de la politique de l’emploi.
Encore faudrait-il avoir le courage de les mettre en place ! Car, ne l’oublions pas, si nous ne faisons pas nous-mêmes les réformes indispensables, et ce, en préservant notre liberté de choix sur tous les sujets, bientôt ce seront nos créanciers et les institutions internationales qui nous obligeront à les faire, et dans des conditions autrement douloureuses.
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